Trois questions à Benoît Lamy, Kamagami céramique
En regardant le travail du céramiste Benoît Lamy je me souviens avec un sourire que j’ai longtemps regardé les ustensiles de thé avec perplexité, en me disant que ce n’était pas pour moi. Leurs formes renvoyaient à des cultures autres que les miennes, et me paraissait nécessiter une délicatesse que je ne suis toujours pas sûr de posséder. Je ne regrette pas cette appréhension : elle m’a permis de regarder longtemps avant d’oser toucher, de réfléchir et d’apprécier avant d’utiliser. À présent je vois une intensité et un subtilité précieuses dans les couleurs de la céramique. C’est ce travail du noir, du brun, du gris dans les pièces de Benoît Lamy qui m’ont amené à lui poser quelques questions ci-dessous. Son site est visible ici, et les photos des pièces sont de Mizuna.
Cultures du thé : J’ai cru comprendre que votre porte d’entrée dans le monde de la poterie fut les kyusu, théières japonaises traditionnellement utilisées pour faire du thé vert. À quelle occasion vous êtes-vous servi d’une kyusu pour la première fois, et qu’est-ce qui vous a plu ?
Benoît Lamy : Ma compagne a eu une révélation en dégustant du sencha à Cancale, je lui ai offert un kyusu du Japon par la suite. Deuxième révélation. Enfin une belle théière en céramique, pratique, ergonomique. La présence du filtre, la délicatesse du manche et une prise en main agréable, sans oublier la verse fluide et régulière sont les éléments qui m’ont séduit. Un nouveau challenge en perspective : faire son propre kyusu avec de l’argile récolté !
Où et comment trouvez-vous votre argile ? Qu’est-ce que vous cherchez dans l’argile que vous retenez ?
Je cherche l’argile comme on cherche un trésor. Je me documente sur des cartes géologiques, des documents d’archives puis je prospecte sur le terrain. Je prélève des échantillons que je façonne pour juger de la plasticité de la terre. Il faut quelle soit agréable à tourner. Puis je passe à la cuisson pour découvrir la couleur, la texture et la porosité.
Je n’émaille pas mes pièces, je recherche donc une argile très peu poreuse en fonction des températures que je peux atteindre.
Pouvez-vous me parler un peu de votre tour, et des changements que vous y avez apporté avec le temps ?
J’ai débuté avec un tour à pied bricolé avec les moyens du bord qui n’était pas concluant. Puis j’ai acheté un tour électrique pour plus de confort et d’efficacité. Mais il me manquait quelque chose. J’ai découvert le kerokuro, tour traditionnel au Japon. Je me suis donc lancé un nouveau défi. Avec le kerokuro le rythme de tournage et les gestes sont différents, plus proche des émotions. Il faut accepter l’accident, les irrégularités. Evidemment cela demande plus d’effort physique et une bonne synchronisation, être à l’écoute du corps et de l’esprit. Mais c’est à chaque fois un moment très plaisant.
oh, un secret !
oh, un secret !